Les paroles citées dans les sous-rubriques proviennent d’interviews réalisées auprès de 22 migrantes et de 2 migrants d’Afrique subsaharienne, accueillis dans les appartements de l’association Arcom (Rabat, Maroc). Ces interviews ont été effectuées par Roger David et Daniela Hersch les 13, 14 et 16 septembre 2019. Les interviews des migrantes arrivées récemment à l’Arcom ont été effectués par Emmanuel Mbolela et ses collègues en juin 2022.
Interview vidéo de migrantes
Wivinie:
Au Maroc depuis 2011, mariée avec 2 petites filles.
Wivinie a fait connaissance de l’Arcom en 2016. Elle a suivi les cours de Français et a ensuite trouvé du travail comme femme de ménage. A changé plusieurs fois de place de travail.
Angel:
Originaire de Côte d’Ivoire, Angel est présente depuis 4 mois à Arcom. Elle souligne le fait que l’Arcom a été fondée par un Congolais et non par un Européen comme c’est le cas pour d’autres associations humanitaires.
Angel, vision d’avenir
Angel aimerait suivre une formation qui lui permette de travailler avec des enfants autistes.
Miracle:
A quitté le Nigéria en 2017. Pendant 8 mois elle a voyagé pour arriver au Maroc en passant par le Niger et l’Algérie. Arrivée au Maroc, elle avait des dettes mais n’était pas d’accord de se prostituer. Elle a vécu de la mendicité. Finalement, elle est arivée à l’Arcom où elle vit comme en famille. Elle est heureuse de pouvoir manger à sa faim et d’avoir un endroit pour dormir.
Atheeni:
Atheeni parle des différentes familles auprès desquelles elle a travaillé. Elle décrit ensuite comment elle est arrivée à l’Arcom. Puis elle souligne l’importance de maitriser l’anglais pour trouver une bonne place d’employée de ménage.
Victoire:
Victoire est arrivée du Congo-Brazzaville, et se trouve depuis 5 ans au Maroc. Elle avait un petit commerce au marché qui consistait à vendre des habits. Le Covid a mis une fin à ses activités et elle ne pouvait plus rien gagner. Pour recommencer elle a besoin d’un petit capital. En attendant elle a été hébergée à l’Arcom. Elle a appris la couture à l’Arcom.
Extraits de témoignages :
Mariage forcé
MC :
La famille de mon père m’a forcée de me marier avec un homme âgé que je ne voulais pas. Mon mari m’a maltraitée. Il m’attachait, me baisait, puis quand c’était fini, me détachait. D’autre fois, il m’attachait et me frappait. Il frappait aussi ma maman. Ma mère m’a fait savoir que si je restais à la maison, les membres de la famille de mon père me tueraient. Je ne voulais pas la quitter. Elle m’a dit : va-t’en, vas-y, sauve toi. Elle m’a donné de l’argent.
SI :
Quand j’avais 16 ans, on m’a mariée de force avec un monsieur de 42ans qui avait déjà une femme. J’ai arrêté les études. J’étais au foyer mais je n’étais pas heureuse. Mon mari me maltraitait et me frappait. J’avais un premier fils avec lequel je me suis enfuie, mais ils m’ont attrapée. Ils m’ont frappée et m’ont brulée avec de l’eau chaude.
SM :
J’ai été mariée à l’âge de 16 ans avec une personne nettement plus âgée. On a vécu ensemble quelque temps et je compris que cela ne jouait pas. Mon mari me frappait. Une petite fille est née.
BML :
Le jeune frère de mon papa m’a donné à un monsieur en mariage. Ce monsieur, je ne le voulais pas mais j’étais obligée de rester avec lui et je suis tombée enceinte. J’ai eu ma 1ère fille. Le monsieur est un buveur. Il me frappait et me violait. Je ne pouvais pas rester là-bas… Je suis tombée enceinte et j’ai fait une fausse couche. Cette fausse couche m’a rendue malade et j’étais très fatiguée. Je saignais beaucoup. Malgré cela, mon mari me forçait encore à faire l’amour.
BA :
Mon père est décédé quand j’avais 1 an et je ne sais pas où se trouve ma mère. C’est mon oncle qui m’a élevée. Je ne suis jamais allée à l’école, mon oncle était méchant avec moi et il ne m’a pas mise à l’école (…) Quand j’avais 17 ans, mon oncle m’a donnée en mariage forcé à un vieux que je ne connaissais pas. Il m’a forcée et m’a menacée de mort. Après une semaine je me suis enfuie.
TR :
Je viens de Côte d’Ivoire, je suis née en 2004 et je suis venue ici (au Maroc) par la route. Ça fait bientôt 3 mois que je suis au Maroc. J’ai quitté mon pays parce que j’ai perdu ma mère et mon père. La tante qui m’a élevée voulait me donner en mariage à un monsieur plus âgé. Je ne voulais pas, mais il m’a violée et c’est ainsi que je suis tombée enceinte.
Grossesse hors mariage
AT :
Je viens de Guinée-Conakry, j’ai bientôt 28 ans. Mes parents m’ont chassée, parce que je suis tombée enceinte hors du mariage. C’est inacceptable chez nous. Le père de ma fille m’a dit d’avorter. Je n’ai pas voulu avorter mon premier enfant.
DS :
J’ai un problème avec ma famille. Quand je suis devenue enceinte, mon père m’a jetée hors de la maison et voulait me tuer, à cause de mon bébé. C’est la raison pour laquelle je suis arrivée à Rabat. Mon père s’est aussi séparé de ma mère à cause de ma grossesse. Il a chassé ma mère de la maison.
Orientation sexuelle
AN :
J’ai 25 ans. Je viens de Douala au Cameroun. Là-bas j’ai été persécutée à cause de mon orientation sexuelle. Toute ma famille était contre moi et à un moment donné, mon père qui m’a mise au monde a envoyé des gens pour me violer. Ma mère en a eu vent et elle m’a aidée à m’enfuir de la maison. Mon père m’a reniée. Il ne veut plus me voir et pour lui, je ne devrais pas exister.
Superstition
BC :
Je viens de la Côte d’Ivoire et j’ai 24 ans. Dans mon pays, une jeune fille doit être baptisée (lavée) lorsqu’elle a ses premières règles. On doit laver la fille dans le marigot. Si elle tombe enceinte avant d’être baptisée, son enfant est condamné. C’est ce qui s’est passé avec ma mère. On aurait dû me tuer. (…). C’est comme si j’étais l’enfant du diable. Tout le village est contre cet enfant et chacun peut lui faire ce qu’il veut. C’est comme s’il était leur esclave. Le vaudou peut te trouver en un clin d’œil. Le fétiche peut aussi venir me trouver au Maroc.
Ma maman a eu très peur et après l’accouchement elle m’a laissée dans les mains d’une de ses camarades. En 2010 j’avais 15 ans et j’ai essayé de retourner dans mon village, mais ils m’ont chassée – c’est toujours la même histoire- parce que ma maman n’était pas baptisée.
Conflits armés
ABSt (ancienne migrante, membre de l’équipe) :
J’ai quitté mon pays (le Cameroun) à cause du « malentendu » entre la partie anglophone et la partie francophone, qui a donné lieu à des massacres. Je me sentais menacée. Il y avait des morts dans ma famille. Cela m’a poussé à quitter avec mon frère ainé.
Problèmes économiques
ASt (ancien migrant, membre de l’équipe)
J’ai fait les études supérieures au pays. Père de famille, il me manquait des moyens pour scolariser mes enfants. Comme beaucoup d’autres, j’ai quitté le pays en 2001 pour aller chercher du travail ailleurs. Maintenant je travaille au sein de l’équipe d’Arcom.
TM :
Je viens de Côte d’Ivoire et j’ai 42 ans. J’y ai fait quelques années d’école. J’ai perdu mon mari, il m’a laissé 4 enfants. Après les funérailles, je me suis occupée des enfants. J’ai vendu des oranges, de l’arachide, j’ai fait des ménages et à la fin on ne s’en sortait pas. La famille de mon mari ne m’a pas soutenue. Un jour une camarade m’a dit que je pouvais venir en Europe ou au Maroc.
Maltraitance
CK :
Je viens de Guinée. Je ne connais pas mon père, mais je connais ma mère. Ma mère m’avait abandonnée quand j’avais 9 ans. Depuis l’âge de 12 ans je vivais chez le jeune frère de mon papa pendant 10 ans.. Il me traitait très mal. Je dû quitter l’école après la 5ème année. Je vendais de l’eau dans la rue, mais il ne me laissait pas l’argent que je gagnais. En plus de ce travail, je tressais les gens et j’ai essayé de cacher cet argent et le mettre de côté pour m’enfuir.
SF :
Je vivais dans un village proche des forêts avec mon mari. La population a mis le feu à ma maison à cause d’un faux problème. Ils m’ont accusée de quelque chose que je n’avais pas fait. Mon mari aussi s’est fâché contre moi Les parents de mon mari étaient du côté des villageois et ne voulaient plus de moi. Ils ont donné une autre femme à mon mari. Il s’est marié avec cette femme, puis il m’a envoyée à la justice pour divorcer. A ce moment, j’étais en début de grossesse. A cause de ces soucis et problèmes j’ai fui pour venir à Rabat.
En route
MC :
Je suis partie, j’ai traversé le désert et après 8 mois je suis arrivée en Algérie. J’étais enceinte de mon mari. Ma grossesse était avancée. J’ai trouvé une place dans un véhicule pour partir au Maroc. Nous avons été attaqués sur la route et j’ai été rançonnée. Tous fuyaient. Je suis restée. Vu ma grossesse, ils ne m’ont pas violée. Les bandits ont pris mon argent de force. Ils m’ont aussi frappée au cou. Je ne pouvais pas marcher.
AN :
En Algérie j’ai été refoulée plusieurs fois. On m’a refoulée à Tamanrasset et j’ai dû remonter à Oran deux fois. Finalement, j’ai beaucoup traîné en route en Algérie. Dans le désert, un jour des Arabes nous ont séparés en groupe de filles et groupe de garçons. Et nous, les filles, ils nous ont fait rentrer dans une voiture, soi-disant pour rouler à la frontière. En fait, ils nous ont ordonné de leur faire des fellations et ce genre de choses. Un troisième homme leur a parlé en arabe et finalement, ils nous ont laissées tranquilles. Mais ils voulaient garder une fille parmi nous et nous, on leur a dit qu’on ne bougera pas sans elle. Ils nous ont rétorqués que si on ne voulait pas partir, on subira la même chose que cette fille. On a insisté qu’on n’abandonnera pas notre sœur. On a eu une petite bagarre avec eux. Ils ont sorti leurs couteaux et j’ai reçu un coup de bâton sur l’épaule. Finalement, ils nous ont toutes ramenées vers nos garçons, aussi la fille qu’ils voulaient garder. Nous avions quitté le pays ensemble et on ne pouvait pas l’abandonner. Ce n’est pas bon et ça ne porte pas chance !
BA :
Nous sommes venus par le désert au Maroc, à Oujdah. On était plein de filles et les gens qui nous dirigeaient nous tabassaient et ils ont couché avec nous. Il y avait des viols et je suis tombée enceinte de mon fils en Algérie. Je ne connais pas le père de mon bébé. J’ai quitté mon pays parce que le vieux a abusé de moi. Mon oncle m’a dit que si je reviens, je suis menacée de mort. Mon oncle ne sait pas où je me trouve. Je n’ai plus de contact avec lui et je n’ai pas d’autre famille. Je ne peux pas retourner dans mon pays, car je suis menacée de mort.
BC :
Je suis retournée au Libéria et là, j’ai rencontré des gens qui voulaient partir au Maroc par l’Algérie. Comme je n’ai pas de parents, je suis partie avec eux. Depuis le Libéria on a passé par la Guinée, le Mali, puis l’Algérie. Sur la route on violait et tuait les gens. La grossesse avec mon fils provient d’un tel viol.
CK :
A 22 ans je suis venue ici (au Maroc) en voiture, en passant par le Niger et le Mali. Nous étions 5 personnes à vouloir venir au Maroc, 3 hommes et 2 filles. Pour aller de Guinée au Mali, on a mis 2 jours. Après on a marché dans le désert pendant une semaine. Après, on a continué dans le désert algérien. On manquait terriblement d’eau et il n’y avait rien à manger. On y est restés pendant presqu’un mois. Après j’ai fait 5 jours de voiture…. ce sont des souvenirs terribles.
NL :
Je suis arrivée au Maroc à pieds. D’abord j’ai traversé le Congo Brazzaville. De là j’ai pris le bateau jusqu’à la frontière entre le Congo Brazzaville et le Cameroun. Depuis là, j’ai pris les grands camions qui transportent du bois. Un tel camion m’a pris jusqu’à Yaoundé, la capitale du Cameroun. A Yaoundé j’ai travaillé comme couturière chez un monsieur pendant deux ou trois mois. J’ai réussi à économiser ainsi une petite somme. Cet argent m’a permis de continuer la route. J’ai passé au Nigéria, puis à Cotonou au Bénin – Mali – Gao- Algérie et suis arrivée ici. J’ai rencontré des difficultés sur la route, mais pas d’agressions. Souvent c’était pénible, parce que la police arrêtait les bus pour nous contrôler et chaque fois on nous mettait à l’écart et on nous insultait. A chaque fois on réussissait à les supplier et ils nous relâchaient. J’avais comme seul ravitaillement des biscuits. J’étais deux à trois mois sur la route.
Vie au Maroc
DM :
Arrivée sur le terrain ici (au Maroc), ce n’était pas ce que je pensais. L’amie en question ne m’a pas du tout aidée. Le travail proposé était louche, proche de la prostitution. Cela ne m’intéressait pas…quand tu demandes du travail chez les Marocains et que tu as un enfant, ils refusent. J’avais même du mal à trouver un endroit pour dormir. C’était très difficile.
AT :
Je suis arrivée à Casablanca. Je suis restée un ou 2 mois sans travailler, puis une voisine m’a dit de partir à Nador. Là-bas il y aurait Médecins sans frontières (MSF) qui prennent en charge les femmes enceintes. Je suis partie là-bas, le voyage était très fatigant. A Nador on ne peut pas louer une chambre, on passe la nuit dans la forêt. On ne sait pas ce qui va nous arriver sur les collines là-bas. Parfois on est chassés par les policiers. J’étais en état de famine et enceinte, mais je courais sur les collines. MSF m’ont hébergée et aidée jusqu’à mon accouchement. Un mois plus tard j’ai dû partir, car il y avait beaucoup de femmes qui venaient accoucher chez eux et il n’y avait plus de place.
RMKSt (ancien migrant, membre de l’équipe):
Nous dormions dans la même chambre et dans le même lit en plus de José qui dormait dans un petit lit. A l’époque, nous n’osions pas sortir car nous risquions d’être arrêtés par la police. Nous mangions à six personnes une seule boîte de sardines. Nous avons passé des moments de stress et de traumatismes. Il y avait des arrestations à 3h du matin. La police passait dans les maisons. Nous avons demandé au HCR des papiers de demandeurs d’asile mais ceux-ci n’étaient pas reconnus par la police. Nous avons donc créé l’Arcom pour nous faire entendre.
Mon avenir
MC :
J’ai perdu toute ma famille (sanglots). Ils se sont tous enfuis et je ne suis plus en contact avec eux. Je suis cependant restée en contact avec ma mère, mais elle ne peut rien faire pour moi. Je ne peux pas rentrer au pays car ils vont tout faire pour me tuer. Si je peux gagner un peu d’argent je compte rester au Maroc.
DM :
Je ne peux revenir au pays, car ce sont mes proches qui comptent sur moi pour les aider et non le contraire. C’est difficile de revenir en échec.
SI :
Je vais voir avec la Caritas pour inscrire ma fille dans une garderie. Ainsi je pourrai chercher du travail, par exemple du travail de ménage.
SM :
Nous sommes pauvres, mais ce n’est pas notre faute, c’est Dieu qui a décidé ainsi. Personne ne décide de son destin. Etre pauvre ne me fait pas très mal, mais être séparée de ma fille me fait mal. Elle a besoin de sa maman à côté d’elle. Un jour tôt ou tard, nous vivrons ensembles. Je suis toujours jeune. Je peux trouver quelqu’un qui va m’aimer. Je veux que ma fille termine ses études. Je veux qu’elle obtienne un diplôme.
ABSt (ancienne migrante, membre de l’équipe):
Pour se construire une vie, ce n’est pas ça. Il te faut un endroit où tu puisses vivre. J’ai encore du temps. Avec l’aide de Dieu, il me protégera et fera aboutir certains de mes rêves. Je suis confiante.
AT :
Je ne sais pas ce que je ferai lorsque je devrai quitter. Ma fille est très petite, elle a 1 mois et je ne sais pas ce que je vais faire. Elle est née le 2 août et ça ne sera pas facile de trouver du travail. Pour le moment je n’ai pas encore participé à des cours, mais je pense y aller. J’aimerais suivre une formation… on ne sait jamais.
CAC :
Si je pouvais venir en arrière, je ne quitterais pas le Cameroun. Au Maroc c’est très difficile pour les femmes. Peut-être je retournerai dans mon pays lorsque le bébé sera plus grand.
DS :
A cause de mon enfant né hors mariage, aucun membre de ma famille ne peut m’aider. Je n’ai pas d’amis au Maroc. J’ai besoin d’aide. Je suis fatiguée et confuse. Je ne sais pas quoi faire. Si je reçois de l’aide, je me renforcerai et je pourrai travailler.
MM :
J’ai besoin de personnes qui m’aident pour trouver du travail. Il n’y a pas beaucoup de travail et il est pour les Marocains. Je suis d’accord de faire n’importe quel travail que je trouverai ici. J’aime bien m’occuper d’enfants. Je peux rester trois mois ici pour me préparer et j’espère que jusque-là je trouverai quelque chose et pourrai louer une petite chambre.
TM :
Tout ce que je demande, c’est de pouvoir aider mes enfants. Je leur demande pardon de les avoir laissés, mais je ne voyais pas d’autre possibilité. J’aimerais qu’ils aient une meilleure vie que moi. Parfois je les appelle, mais il y a longtemps qu’on n’a pas pu causer. Mon espoir est toujours de pouvoir entrer en Europe.
Accueil
KA :
A l’Arcom nous avons tout ce qu’il nous faut. L’Arcom m’a beaucoup aidée. Sans l’Arcom, je ne sais pas.
CAC :
Je remercie beaucoup les gens (de l’Arcom) qui nous logent et nourrissent. Sans eux, je ne sais pas ce que j’aurais fait.
RMKSt : (ancien migrant, membre de l’équipe)
De nombreuses femmes arrivent dans le but de traverser la Méditerranée. Arrivées à Nador, Tanger ou Oujda, elles sont violées. Elles perdent la mémoire, et ne voient plus comment traverser. Elles décident d’abord de retourner à Rabat, de se reposer, de se reprendre et enfin de continuer la route. Dans tous ces cas, les femmes viennent vers nous. Si une femme se confie à moi, j’essaie de remonter son moral, je l’encourage, et si je décèle des blocages, je lui fais consulter un psychologue.
MM :
Pour le moment, je suis contente ici (à l’Arcom), c’est bien. Je fais à manger et le ménage, je suis bien ici. Malgré les difficultés, je n’aimerais pas retourner dans mon pays, j’aimerais vivre quelque part où je gagne ma vie et d’où je peux envoyer de l’argent au pays.
SFa :
En tout cas, j’aimerais remercier toutes les personnes d’Arcom pour tout ce qu’elles font pour les personnes comme moi ! Je les remercie de tout cœur !
Réflexions
AT :
J’ai une petite sœur (…) si je savais comment c’est ici, je n’aurais pas quitté mon pays. Je serais restée chez moi. Maintenant, avec la manière dont j’ai quitté mon pays, je ne vois pas comment je pourrais retourner. J’ai honte et je suis fatiguée de la souffrance d’ici. Je souffre depuis le jour où je suis descendue à l’aéroport. Ça fait presque 7 mois.
AT :
J’aimerais dire aux Africains qu’il y a des souffrances au Maroc. Je leur conseille de ne pas venir ici à cause de problèmes. Si c’est ton travail qui t’envoie au Maroc ou le commerce, c’est autre chose. Mais je ne souhaite à personne de venir pour l’aventure ! J’ai vu la maltraitance envers les migrants. Les Européens devraient parler avec les Marocains pour faire cesser les maltraitances contre les Noirs. Les Marocains ne te voient même pas passer. Il n’y a pas un Noir, même s’il travaille, qui se sent libre ici.
BC :
Je n’avais pas envie de quitter mon pays (Côte d’Ivoire), mais mes parents m’ont rejetée et j’y suis en danger. Dans mon pays, si tu n’as pas de famille, tu peux être jetée à la rue et mourir de faim.
Brèves d’équipe
ASt (ancienne migrante, membre de l’équipe):
L’Arcom est une association humanitaire. Nous avons un mandat humanitaire. Nous ne voyons pas en premier lieu le salaire ou les avantages. Ce que nous faisons est bénévole. Nous avons des besoins de base auxquels l’Arcom subvient. Avec cela nous payons logement et nourriture. Nous sommes très heureux de notre travail car nous aidons l’humanité. Nous vous remercions pour l’aide que vous nous envoyez. Cela nous aide beaucoup.
CASt (ancienne migrante, membre de l’équipe):
Pour les migrantes de l’Arcom, elles peuvent venir par une ONG comme la Caritas. Quand elles arrivent nous les accueillons. Si elles arrivent par la route ou par la frontière algérienne de Oujdah, nous les laissons se reposer 24h ou 48h avant de nous entretenir avec elles. Je remplis leur fiche et leur explique les règles en vigueur, en particulier le fait que le séjour est temporaire. Elles sont logées et sont accompagnées par moi ou par ma collègue. Pour moi, ce travail au service des autres est important, c’est une grâce.
NRSt (ancienne migrante, membre de l’équipe):
Subitement, le HCR a stoppé son aide et ne n’ai plus pu payer mon loyer. Quelqu’un m’a parlé de l’Arcom. J’ai été logée dans les appartements de l’Arcom pendant un certain temps. Puis j’ai proposé aux responsables de me joindre à l’équipe pour aider les autres. C’est comme cela que je récupère les enfants et leur apprend à lire, à parler, à raconter des histoires. C’est ainsi que nous avons créé la petite école. J’ai débuté mon travail à l’Arcom en août 2017. Toute la semaine du lundi au samedi l’école est pleine. Certains élèves viennent le matin, d’autres l’après-midi. Il y a toujours du monde. Grâce à l’Arcom, je me suis retrouvée.
RMKSt (ancien migrant, membre de l’équipe):
Il était très important de protéger et de sauver la vie de ces femmes. Nous recevons des femmes de Nador, d’Oujda, de Tanger, d’Agadir, de Dakhla. Des hommes les trompent en leur promettant un passage vers l’Europe contre leur argent. Après paiement, les femmes sont démunies et sont livrées à ces mêmes hommes qui les forcent à se prostituer. Le travail que nous faisons est très très important. Nous sauvons des vies.
Je remercie toute l’équipe en Europe qui nous soutient. Ce qui nous fait particulièrement plaisir c’est quand des femmes qui ont résidé chez nous ont atteint l’Europe et nous téléphonent pour nous remercier. Nous avons alors la satisfaction d’avoir sauvé des vies.
Remonter le moral des migrantes: